Bonjour, mon nom est Luciole.
Mais ma grand-mère m'appelait son Feu-Follet.
Nous vivions loin, très loin d'ici....
En fait, je n'ai jamais connu ma mère. Ma grand-mère paternelle refusait d'en parler, se signant si jamais j'abordais le sujet ; chose que que je ne faisais guère, car je lisais aussitôt le chagrin dans les yeux de mon père.
Papa était Thérian, mais pas ma maman ...
Papa parlait aux oiseaux, connaissait tout des bois et des forêts qu'il avait l'habitude de parcourir avec Œil de Lune, son fidèle renard. C'est ainsi qu'il rencontra ma maman, sylve des bois, alors qu'il avait été recueilli et soigné parmi leur peuple, lors d'un accident de chasse.
Je n'ai jamais rien su sur la fin de ma mère... mais sentais la douleur de mon père et sa haine pour les monstruosités qui avaient tué la sylve qu'il aimait.
Alors c'est ainsi que j'ai grandi, élevée par ma grand-mère ou cavalant partout derrière mon père quand il était à la maison.
Grand-mère avait été lingère en ville dans sa jeunesse mais continuait encore de filer et broder. Je jouais à ses pieds au milieu des bouts de fils de couleur, m'inventant des panoplies de chevalier ou des coiffes de grande dame ....
Elle soignait aussi les voisins de la contrée avec ses potions, ou éloignait le mauvais sort. Je l'aidais en épluchant les champignons, en puisant l'eau du puits pour son chaudron ... Elle était devenue si fragile, grand-mère...
Mais quand mon père revenait de ses longues courses, ses sacs remplis de surprises, je ne le quittais plus pendant les quelques temps que durait son séjour chez nous ! Alors il m'apprenait le nom des arbres, leur essence, me taillait des flûtiaux dans les roseaux, ou me faisait de magnifiques moulins à eau avec l'aubier du tilleul.... et je rêvais les pieds dans le ruisseau, pendant qu'un peu plus loin Œil de Lune et lui attrapaient tous les deux des truites .
Et puis il repartait, pour je-ne-sais-quel-travail, je-ne-sais-où...
Un jour... papa n'est jamais revenu.
Nous avons scruté le sentier pendant des mois...
Grand-mère et moi n'avons jamais su ce qu'il avait pu lui arriver.
Longtemps j'ai pleuré...
Longtemps nous avons pleuré ...
Et puis j'ai de plus en plus aidé ma grand-mère, ... jusqu'à la porter dans mes bras, petit fétu de paille, tant elle s'était affaiblie.
Elle s'est éteinte, doucement, comme une chandelle au petit matin, lorsque la mèche ne trouve plus aucune cire à consumer.
Je n'avais plus rien.
J'ai cousu un linceul pour elle et l'ai mise en terre dans notre jardin.
J'ai rangé le chaudron et les cuillères, balayé la pièce et arrosé les choux du potager. Puis j'ai fermé à clé la porte de notre chaumière .. et suis partie, bâton à la main, pris la route droit devant, là où j'avais tant de fois agité mon mouchoir à chaque départ de mon père.
Je n'ai rien.
Juste un petit sac accroché à mon cou : la clé de notre chaumière, un mouchoir de fil brodé et un petit couteau au manche d'os.
Avec leur amour et mes souvenirs, ce sont là mes seules et uniques richesses.
Durant des mois j'ai marché.
Toujours droit devant.
Vivant comme je l'avais appris de mon enfance :de chasse,de pêche, ou bien encore de cueillette.
Une fin de longue journée de marche, je suis arrivée à une incroyable étendue d'eau ... inimaginable ! on n'en voyait aucun autre bord !
Et de curieuses constructions de bois flottaient dessus, habitées et conduites par des hommes !
La mer .....
C'était un port...
Je suis restée dans cette ville un peu de temps, travaillant à la journée sur les quais.
Chaque soir je me demandais ce qu'il y avait, de l'autre côté de cette mer.
Et puis un matin, j'ai donné toutes mes maigres économies à un capitaine de navire qui partait. "" Fiergrue"" m'avait-il dit, ""dans les territoires de Fauconnia. ""
Mais il m'a débarquée sur une île, en fin de compte.
Voilà, vous savez à peu près tout de mon histoire.
Ici, je suis arrivée avec le savoir de la Faune. Et depuis, j'ai appris les domaines de la Flore et de la Confection.
J'ai tant soif de connaissance et de savoir !
Pour le moment, je chasse, sais dépecer et tanner mes peaux, comme mon père m'avait appris
Plus tard, j'espère pouvoir coudre aussi, comme ma grand mère le faisait...
Je ne veux qu'une chose : que tous deux soit fiers de ce que je deviens, si tant est qu'il y ait un "ailleurs" duquel ils pourraient continuer de veiller sur moi.
Luciole,
à l'Auberge du Goéland du Port de Fiergrue,
en l'an de grâce 189 de la seconde colonisation.
Dim 14 Juil - 14:06